Resumé
Interpellée par l'école communale de Jandrain suite à des conflits dans la cour de récréation, l'AMO de Jodoigne a proposé neuf temps d'animation en 3ème maternelle. Cinq séances étaient consacrées aux émotions et à la gestion des conflits et quatre au Jeu des trois figures.
Elements de contexte
En 2017, l'AMO de Jodoigne s'est formée au Jeu des trois figures. Il s'agit d'un programme pour développer l'empathie chez les enfants en les faisant rejouer les scènes choquantes vues sur les écrans.
Cette formation s'était présentée comme une réponse à deux de leurs questionnements:
- l'omniprésence des écrans chez les enfants de maternelle. Plusieurs enfants parlent en effet de films, de séries, d'images qui ne sont pas adaptés à leur âge;
- la stigmatisation dans un rôle dès le plus jeune âge. Les enfants portent parfois très tôt des "étiquettes" dont ils ont ensuite difficile à se dépêtrer.
Lorsque l'école communale de Jandrain l'a sollicitée pour traiter la question de la violence et des disputes, l'AMO a trouvé pertinent de proposer ce programme.
Objectifs
Les objectifs de l'AMO pour les enfants étaient :
- identifier leurs émotions ;
- leur permettre de mieux gérer les disputes ;
- expérimenter les trois rôles d'une situation de conflit : victime, bourreau, sauveur ;
- permettre à l'enfant de vivre une émotion dans un rôle auquel il n'est pas habitué ;
- les faire s'exprimer autour des images qu'ils ont vues sur les écrans ;
- dédramatiser les images vécues comme difficiles ;
- expérimenter la démocratie, par le vote et le choix des images ;
- favoriser le dialogue chez l'enfant.
Milieu de vie
- Milieu scolaire - Ecole
Démarches et actions
1- Les émotions et la gestion des conflits
a) Animation
A la demande de l'enseignante, l'AMO a d'abord réalisé cinq séances sur la reconnaissance des émotions et la gestion des conflits avec l'outil "Graines de médiateur". Les séances d'une heure ont eu lieu une fois par mois.
Lors des premières séances, les enfants ont été invités à être à l'écoute de leurs sensations, à développer un radar intérieur. Pour décrire les émotions, les animations ont exploité le livre « La couleur des émotions ». L'AMO a également réuni les enfants en quatre groupes, les invitant à coller le picto de l'émotion (joie, colère, peur, tristesse) correspondant à la situation proposée (un feu d’artifice, un cadeau d'anniversaire, une araignée, une glace qui tombe par terre,...) Réunis en grand groupe, les enfant ont été surpris de constater qu'une même situation pouvait évoquer deux, voire trois émotions différentes. Par exemple, le feu d’artifice peut susciter peur, joie ou tristesse (les vacances sont finies).
Les dernières séances ont été consacrées à la gestion de conflits. A partir d'une histoire de dispute, les enfants devaient trouver un moyen de gérer la situation à deux. Les ressources utilisés étaient "la marelle" et la "CNV" présentés dans l'outil "Graines de médiateur".
Un débriefing a eu lieu au terme de chaque séance.
b) Débriefing avec l'enseignante
Suite aux 5 premières séances, l'enseignante et l'AMO ont mis en avant qu'il serait utile aux enfants d'expérimenter l'empathie. Car s'ils avaient compris les principes des émotions et de la gestion des conflits, ils avaient du mal à les intégrer dans la vie de tous les jours. Notamment dans la cour de récréation où "le chacun pour soi" et les disputes continuaient. L'enseignante avait également remarqué que les enfants jouaient à des scènes de série pour adultes comme "Esprits criminels" ou issues des jeux vidéo et était interpellée par rapport à la place des écrans.
L'AMO a alors proposé 4 séances sur le "Jeu des trois figures".
2- Le jeu des 3 figures
a) Collaboration avec l'enseignante
L'objectif ultime du projet étant une reprise des ateliers par l'enseignante, celle-ci a d'abord observé, puis co-animé, puis animé seule le module.
b) Les séances avec les enfants
Lors de chaque séance, les enfants commençaient par un tour de parole sur leur météo du coeur. Ils proposaient ensuite une image vue sur un écran (tv, ordi, tablette, smartphone,...) qui leur restait en mémoire.
Par un vote, ils choisissaient une image à partir de laquelle ils créaient une saynète de 4-5 min avec un dialogue entre chaque personnage. Idéalement, on retrouvait les trois rôles : victime, bourreau et sauveur.
Les enfants étaient alors invités à jouer la saynète en passant par ces trois rôles. Ils pouvaient dès lors expérimenter une place qu'ils n'occupaient pas toujours. Trois autres enfants faisaient ensuite le même exercice, puis encore trois autres. Pour les premiers passages l'adulte pouvait jouer le rôle de souffleur. Les séances étaient clôturées par un dernier tour de cercle.
Jouer une heure par semaine à l'agresseur, à la victime et au redresseur de torts soutient les socles de compétences développés en maternelle mais a également des effets bénéfiques en termes de prévention de la violence. En expérimentant les trois rôles, les enfants développent leur empathie.
Moyens
Ressources humaines
- un à deux animateurs de l'AMO (dépendant de la taille de la classe) formés au Jeu des trois figures (quatre jours de formation);
- l'enseignante.
Ressources matérielles
- documents de la formation : canevas et "Temps d'arrêt" yapaka ;
- salle dans laquelle on peut former des cercles de chaises ;
- des petites cartes pour faciliter le moment du vote ;
- un petit jeu rituel pour démarrer le cercle et le finir (type météo du coeur,...).
Ressource financière
le coût de la formation de 4 jours
Evaluation et enseignements
Qu'est-ce que le projet a apporté ?
L'AMO a effectué un debriefing après chaque séance avec l'enseignante. Les enfants étaient assez agressifs entre eux, il n'y avait pas beaucoup de cohésion dans le groupe-classe (29 élèves). Il était assez compliqué de mener un projet avec l'entièreté de la classe. Après l'instauration du moment "théâtre" du Jeu des trois figures, les enfants ont été plus attentifs, même si la gestion de la frustration restait compliquée. Ils attendaient le moment de l'atelier avec impatience.
Qu'est-ce qui a été facile ?
Le plus facile a été de mobilier les enfants. Ils étaient très demandeurs, le canevas était assez simple d'utilisation, même si assez structuré. Les enfants ont compris très vite le processus et n'ont pas eu de mal à trouver des images.
Qu'est-ce qui a été difficile ?
Au niveau de la méthode :
- Très structurée. La méthode très structurée pouvait déstabiliser enfants et adultes.
- Sans débriefing. Le canevas ne propose pas de débriefing avec les enfants, mais simplement de leur demander si cela leur a plu. En effet, la formation met en avant que les enfants ne sont pas encore outillés pour prendre une position méta et qu'il est plus intéressant de vivre les choses au niveau psychomoteur qu’au niveau verbal. C'était néanmoins difficile pour l'AMO qui a l'habitude de débriefer ses animations.
- Gérer son émotion d'adulte. Le plus compliqué est de se lancer, de maîtriser son émotion d'adulte. Aucun enfant ne doit être stigmatisé, ce qui est parfois compliqué quand l'image amenée est celle d'un attentat ou d'un meurtre,...
Au niveau du public :
- Grand groupe. La gestion du grand groupe était complexe, les enfants restaient à tour de rôle spectateurs durant de longues minutes. Tenir un cercle de 29 enfants avec un temps d'attention bas n'est pas évident au début, mais ils s'habituent vite.
- Gestion des frustrations. Certains enfants sont frustrés que l'on ait pas choisi leur image. L'adulte doit les aider à gérer cette frustration qui fait partie de l'apprentissage. Certaines séances permettaient parfois de faire deux tours de vote.
- Jouer tous les rôles. Au niveau du jeu de rôle, il était parfois très difficile à certains enfants de jouer le rôle de la victime. Certains ne voulaient faire que le bourreau.
Au niveau de l'école :
- Travailler sur du long terme. L'AMO a insisté sur la nécessité de continuer les séances d'animation après son départ.
- L'immersion : L'école étant en immersion, il n'a pas été facile de trouver des temps d'animation avec les enfants.
Qu'est-ce qui a été soutenant ?
- La méthodologie qui est très claire.
- La formation propose une grille qui met en parallèle le jeu avec les socles de compétence. Les séances du jeu des trois figures peuvent entrer dans le programme de l'année pour augmenter le vocabulaire des enfants, le développement psychomoteur,...
- La motivation de l'enseignante.
Et si c'était à refaire, que garderiez-vous ? Que changeriez-vous ?
- Mener le projet en plusieurs petits groupes, si les horaires le permettent.
- La formation est indispensable pour animer les séances car elle comporte beaucoup de subtilités. De même pour l'enseignant, le coaching de l'AMO ou d'un autre formateur est important pour que cela se déroule dans les meilleures conditions.
Perspectives envisagées
L’enseignante a poursuivi les séances jusqu'à la fin de l'année scolaire et était très contente de le communiquer à l'AMO.
L'AMO souhaite mettre le projet en place dans d'autres écoles.
Pour aller plus loin
Supports disponibles sur le site www.yapaka.be : Jeu des trois figures en école maternelle
Temps d'arrêt "Jeu des trois figures en classes de maternelles" de Serge Tisseron
http://www.yapaka.be/campagne/le-jeu-des-3-figures
• octobre 2017 à mai 2018
• Orp-Jauche
Formation de Yapaka au Jeu des trois figures
• Virginie Byloo/Kathleen Lauwers
• amojodoigne@gmail.com
• 010/ 81 338 17
05-11-2018